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Catégorie : Actualités
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ASCE-LC

Message du Contrôleur Général d’Etat

 

 

L'ampleur du phénomène de la corruption sur le continent et ses répercussions sur l'économie africaine est de plus en plus criarde et préoccupante. Ses effets dévastateurs pour le développement économique

, corrosifs pour la cohésion sociale et déstabilisateurs pour l’ordre politique ne sont plus à démontrer. Le niveau du manque à gagner financier qu’il induit est hallucinant : la corruption fait perdre au continent 148 milliards de dollars chaque année et les flux financiers illicites qui partent de l'Afrique sont évalués à 60 milliards de dollars[1].

C’est en réponse à ce fléau que la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte Contre la Corruption (CUAPLCC) a été adoptée à Maputo, au Mozambique, le 11 juillet 2003 et est entrée en vigueur en 2006. À ce jour, elle a été ratifiée par 44 États membres de l’Union Africaine dont le Burkina Faso le 29 novembre 2005. Depuis sa signature, les États africains ont enregistré des avancées significatives dans la lutte contre la corruption, notamment en se dotant de dispositifs juridico-institutionnels de lutte par l’adoption de lois nationales et la création d’agences de lutte contre la corruption.

En dépit de vastes progrès réalisés tant sur les plans législatif qu’institutionnel et consciente de la nécessité de réfléchir continuellement aux approches à adopter pour mettre fin à la corruption, l’Union Africaine a décrété le 11 juillet “Journée Africaine de Lutte Contre la Corruption” à l’instar de la commémoration de la journée internationale de la lutte contre la corruption le 9 décembre de chaque année.

Le 11 juillet 2020 marque la quatrième édition de la journée africaine de la lutte contre la corruption, sous le thème : « Vaincre la corruption grâce à des systèmes judiciaires efficaces et efficients ».

Cette journée a été voulue comme une occasion pour toutes les parties prenantes et tous les acteurs engagés dans la lutte contre la corruption de nourrir la réflexion et de procéder à des échanges fructueux et constructifs sur la place, le rôle, la responsabilité et la contribution des systèmes judiciaires nationaux dans la lutte contre la corruption en collaboration avec les agences anti-corruption et la société civile pour une lutte encore plus efficace contre la corruption et les infractions assimilées.

Ces réflexions devraient permettre l’identification des défis et la diffusion des bonnes pratiques qu’un système judiciaire engagé et impliqué peut apporter à l’efficacité de la lutte contre la corruption. En la matière, il est bien connu qu’un système judiciaire efficace est crucial pour lutter contre la corruption ; d’où la nécessité de relever les contraintes qui existent dans la chaîne de lutte contre la corruption et de tirer les leçons des meilleures pratiques afin de recommander des moyens efficaces pour une collaboration plus étroite.

La célébration de la quatrième journée africaine de lutte contre la corruption se fait à un moment où le Burkina Faso est engagé dans un processus d’auto-évaluation de la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, exercice réalisé en prélude à l’examen que notre pays s’apprête à subir de la part du Conseil consultatif de l’Union Africaine afin de vérifier l’état de mise en œuvre de ladite convention

L’efficacité de la lutte contre la corruption nécessite une collaboration institutionnelle accrue entre les services chargés de l'application des lois et les agences de lutte contre la corruption, en d’autres termes, entre les institutions judiciaires et les agences anti-corruption. La lutte contre le fléau de la corruption requiert, en effet, une véritable synergie d’action de l’ensemble des acteurs de la société. Dans ce cadre, les agences anti-corruption et les services judiciaires, de par leurs rôles de détection, de poursuite et de répression des atteintes à la probité, constituent des acteurs incontournables de cette lutte. Leur bonne collaboration peut changer positivement la lutte contre la corruption.

La commémoration de cette journée africaine de lutte contre la corruption coïncide avec une activité phare de l’ASCE-LC, l’atelier-bilan de l’audit de l’année N-1 des ministères et institutions de la république et la publication des résultats de l’audit de l’année N-1 gestion 2018. Moment important de bilan, d’introspection, d’évaluation sans complaisance des activités des corps de contrôle sur la gouvernance financière et comptable des administrations afin de s’assurer de sa régularité, de son efficacité et de sa performance.  Les acteurs commis à ce travail ne sont autres que les contrôleurs d’Etat, en collaboration avec les inspections ministérielles et les inspecteurs des finances qui depuis quatre ans maintenant s’attachent à rendre effectif le devoir de rendre comptes. La réflexion qui est menée dans le cadre de cet atelier vise à donner une nouvelle impulsion, un nouveau dynamisme à cet exercice annuel à forte valeur ajoutée pour la santé financière et économique de l’Etat.

La commémoration de cette journée africaine de lutte contre la corruption intervient à un moment où les rapports entre l’ASCE-LC et le système judiciaire connaissent une vraie embellie. L’amorce de cette synergie d’action augure de lendemains heureux dans la lutte contre la corruption au regard des prémices déjà prometteuses. La commémoration de cette journée est donc une occasion de poursuivre et d’approfondir la réflexion et le dialogue sur le rôle du système judiciaire national dans la promotion d’un plan d’action anti-corruption.

C’est pourquoi, j’en appelle à la responsabilité de chaque acteur, en particulier du gouvernement à faire de la lutte contre la corruption une cause nationale. La vertu de l’exemple est fondamentale dans ce combat car, un dispositif de lutte anti-corruption maîtrisant efficacement les risques de la corruption ne saurait croître et prospérer que s’il s’insère dans un contexte où les valeurs éthiques sont privilégiées. A l’endroit des organisations de la société civile, de la presse d’investigation et des citoyens, je lance un appel à poursuivre sans relâche le combat contre la corruption qui reste le véritable combat contre le sous-développement de notre pays.

De nos jours et malgré l’important dispositif juridique mis en place, la corruption au Burkina demeure une préoccupante. L’une des raisons de cette faible performance dans la lutte, reste malheureusement l’état généralisé d’impunité des crimes économiques et financiers en dépit de l’énorme travail de détection desdits crimes auxquels se livrent les acteurs du contrôle, de la presse, des organisations de la société civile (OSC). Combien de crimes et de dossiers sont pendants devant nos tribunaux ? Combien de rapports épinglant des acteurs de malversations diverses, de mauvaises pratiques administratives, de cas avérés de corruption restent sans sanctions judiciaires ou administratives ?

Le choix du thème commémoratif nous interpelle à ce niveau. En effet, l’impunité nourrit la corruption et il faut véritablement sévir pour empêcher le passage à l’acte. La sanction, en même temps qu’elle punit le coupable, exerce un effet de dissuasion sur tout potentiel candidat au même délit. Quand la sanction encourue est insignifiante par rapport au crime commis, cela sonne comme un encouragement au crime. D’où l’importance de l’appropriation par tous, de la loi anti-corruption. Il nous faut agir de sorte à ce que tous les faits avérés de corruption soient jugés et punis conformément à la loi. C’est dire que dans ce combat de répression de la corruption, la contribution du secteur de la justice est fondamentale. En l’espèce, l’opérationnalisation des pôles judiciaires spécialisés devrait donner un coup de fouet à la lutte contre l’impunité. . Il est important de dissuader davantage les éventuels corrupteurs et corrompus dans la société.

Pour ce faire nous devons consolider les acquis et travailler à ce que l’acte de corruption ne soit plus perçu comme un fait banal. Ce faisant, le bon exemple doit être donné aux triples plans exécutif, législatif et judiciaire. Ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête ? Outre l’exemplarité des dirigeants et au regard des nombreuses plaintes et dénonciations enregistrées par l’ASCE-LC, il y a lieu que, au niveau de l’administration publique, soient activés de façon efficace non seulement les conseils de disciplines mais aussi les poursuites pénales afin de sanctionner les fautifs.

En ce jour mémorable, mon adresse à tous les burkinabè et à tous les partenaires du Burkina Faso insiste sur la nécessité d’un engagement commun et ferme pour relever les défis liés à la lutte contre la corruption. Rompre la chaîne de la corruption fait appel à l’engagement des citoyens à refuser la corruption d’où qu’elle vienne pour ainsi éviter sa propagation. L’ASCE-LC n’a pas le monopole de la lutte contre la corruption au Burkina Faso. Elle entend travailler et est disposée à travailler en étroite collaboration avec tous les acteurs œuvrant dans ce domaine.

Je voudrais, pour terminer, saluer les efforts qui ont été consentis par l’ensemble des acteurs de la lutte contre la corruption mais aussi reconnaître que de nombreux défis restent à relever dans ce combat de longue haleine. La commémoration de la journée africaine de la lutte contre la corruption offre une fois de plus l’opportunité d’interpeller tous les acteurs à ne pas baisser les bras.

Soyons et restons les portes flambeaux de la lutte dans toutes les sphères politiques et socio-économiques et rompons la chaîne de la corruption partout où elle tente de se mettre en place dans notre cher pays.

 

Vive la journée africaine de la lutte contre la corruption.

Ensemble disons non à la corruption !

Le Contrôleur général d’Etat

Dr Luc Marius IBRIGA

Commandeur de l’Ordre National

 

[1] Etude conjointe de la Banque Africaine de Développement et de l’OCDE